Éleuthère

Olivier Sedeyn Yoga, Chant, Vers la Sagesse

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Le yoga vise à l’union

Le yoga vise à l’union, à l’intérieur de soi, d’abord, puis avec les autres et avec le cosmos, avec le divin partout présent (et pourquoi ne le serait-il pas ?), mais le mystère, ou le miracle, c’est que c’est à l’intérieur que tout cela se révèle, par l’exercice de la seule attention, par la grâce de la seule attention. Être attentif, être présent, avec bienveillance et détachement, à tout ce qui est, y compris à tout ce qui est en moi (émotions positives, émotions négatives, corps grossier, corps subtil, corps mental, etc …), et spontanément, naturellement, insensiblement, en moi s’installent le calme, la paix, et l’ouverture sans limite. 

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Qu’est-ce que le hatha yoga ?

Le hatha yoga est une manière très pénétrante et très précise, très « scientifique » (au sens de l’observation neutre, sans aucun parti pris), de conserver et recouvrer la santé, de détendre et d’apaiser le corps et le mental. On le considère comme consistant principalement en exercices physiques, et assurément, le hatha yoga donne un corps sain et un mental concentré, mais son but est bien plus élevé encore. 

         Les postures et les exercices respiratoires calment le système nerveux et éliminent les tensions du corps et du mental. Ils sont d’une importance vitale, mais nous ne devons pas nous arrêter là. Nous devons aller plus loin, plus profond et accéder au trésor qui se trouve enfoui au plus profond de nous, la réalisation de soi, la connaissance de soi, la réalisation du soi, la connaissance du soi. 

         Les postures plus ou moins simples et la régulation du souffle sont des instruments efficaces pour se concentrer et méditer. Celui qui pratique la méditation régulièrement après les asanas et le prânâyâma peut le comprendre. 

         La Gheranda Samhita énumère de la manière suivante les sept buts du hatha yoga: 1) la purification par six pratiques (dhauti, nettoyages de l’estomac, de la bouche, de la poitrine, du rectum ; vasti, les lavements ; neti, le lavage du nez ; laulikî, le barattage du ventre ; trataka, la fixation du regard ; kapalabhâti, les expectorations) ; 2) la fermeté par la pratique des asanas ; 3) la stabilité par la pratique des mudras ; 4) le courage et la patience par la pratique de l’intériorisation du mental et des sens ; 5) la légèreté par la régulation de la force vitale ; 6) la réalisation de soi par la méditation ; et 7) la libération de tout esclavage par l’expérience directe de la conscience cosmique ou universelle (ou de la conscience qui est au-delà de « ma » conscience) ou samâdhi

         Les textes déclarent que le pratiquant du hatha yoga parviendra à maîtriser la vieillesse et la mort. Mais il ne faut pas confondre cette conquête avec l’immorta­lité physique, et ce n’est pas non plus la promesse d’une jeunesse éternelle. C’est la découverte de ce qui ne peut ni vieillir ni mourir en chacun de nous. 

         Le hatha yoga permet de découvrir la santé et de contacter le divin en nous. C’est un état intérieur sans aucune division, où l’on éprouve un équilibre parfait et l’harmonie. Cette unité ou harmonie ne règne pas seulement en moi, mais dans mes relations avec les autres et avec l’ensemble de ce qui est. 

         Il est impossible de définir parfaitement la santé (il en est de même pour la paix, la béatitude, l’amour et dieu). Décrire la santé, ce n’est pas être sain. La santé doit être découverte et éprouvée. Et il faut encore découvrir la paix, l’amour et la félicité. Le hatha yoga est une voie et une technique pour cela. 

         En pratiquant le hatha yoga, nous travaillons simultanément sur deux plans : sur le corps physique et sur le corps subtil. Le corps physique est matériel, le corps subtil est une combinaison de l’énergie et de l’intelligence qui sont dans le corps physique et qui l’animent. La « découverte » de la santé s’effectue sur le plan du corps physique par l’élimination des toxines qui polluent les cellules du corps. La « découverte » de la paix au plan subtil révèle l’intelligence mystérieuse et puissante qui mobilise la force vitale afin d’animer le corps physique et de lui permettre d’accomplir toutes ses fonctions. 

         Les postures les plus simples, comme le fait de se tenir en équilibre sur un seul pied, ne s’appuient pas seulement sur le travail musculaire. Si l’on se met dans une telle posture avec une grande attention intérieure, on sent immédiatement l’action de l’intelligence répandue dans tout notre corps, qui s’active immédiatement pour rétablir notre équilibre à chaque fois qu’il est menacé. Il est clair que l’intelligence est là, derrière le « moi » (le sens de l’ego) et qu’elle intervient en cas de besoin. La découverte de l’intelligence — et la réalisation instantanée de sa puissance et de son efficacité inimaginables — nous permet de conquérir la vieillesse et la mort, l’inquiétude et l’angoisse. Cette intelligence qui est en nous sait ce qu’il faut faire et comment le faire. 

         L’aspect physique du hatha yoga lui-même vise à travailler plus sur les organes vitaux internes que sur les muscles de surface. La santé du corps dépend dans une large mesure de la santé du système nerveux et du système endocrinien. Elle s’acquiert et se conserve en faisant en sorte que la force vitale ou prâna circule librement dans les organes sans blocage ni précipitation. Si la pression du prâna est régulière et harmonieuse, le corps et le mental fonctionnent bien. 

         Le prâna est la vie. C’est la puissance du souffle de vie. Il est par rapport aux nerfs et au corps comme le courant électrique par rapport aux câbles. On ne voit pas le courant électrique, mais on voit la lumière des lampes, et on constate son action dans tous les appareils électriques. On ne peut pas voir le prâna, mais l’on voit ce qu’opère le prâna dans les innombrables fonctions qui s’accomplissent dans notre corps. 

         Le prâna circule dans des nâdis qui sont comme des ondes lumineuses ou des ondes sonores. Si le prâna circule librement, vous vous sentez vivant, joyeux, heureux, paisible, optimiste et actif ; et vous relevez les défis de la vie avec enthousiasme et confiance. 

         Le travail du hatha yoga sur le corps nourrit et stimule les racines de la santé intérieure, afin d’augmenter les pouvoirs de résistance et d’endurance de la personne. On éprouve alors un sentiment de bien-être. Ce travail permet de prévenir les maladies et favorise hautement le recouvrement de la santé. 

         Tout en se concentrant sur les glandes endocrines, le hatha yoga renforce les nerfs en travaillant sur le cerveau et sur la colonne vertébrale dont émanent les nerfs. Les glandes, le cerveau et la colonne vertébrale font par conséquent l’objet de l’atten­tion principale, bien que nous accordions aussi de l’attention à certains viscères internes, spécia­lement ceux liés à la digestion. 

         Mais pour le pratiquant sérieux, les glandes, les nerfs et le système digestif ne sont pas le plus important, et son but n’est pas de les renforcer. Il concentre son attention sur les nâdis et les chakras (que l’on associe aux nerfs et aux glandes) et sur le plexus solaire ou sur le feu gastrique. Son but est de purifier ces nâdis. Lorsqu’ils sont purifiés, ils sont forts, puissants, et ils jouent bien leur rôle en répan­dant les bienfaits du prâna dans le corps et dans le mental. 

Le néant, le rien, le vide, l’être Entrer dans le monde du sentir, sans objet.

Dans la sensation pure, sans objet, une réalité se manifeste, irréductible à toute catégorie. Je sens quelque chose. Et je sens, c’est moi qui sens quelque chose en moi. Et en même temps, ce moi n’est pas moi, n’est pas l’identité psychique ou sociale, affective ou intellectuelle, qui est la « mienne » à l’extérieur, ou, d’ailleurs, à l’intérieur lorsque je suis la proie du manège des pensées, des émotions, des désirs et des opinions. Donc ni intériorité psychique, ni extériorité des objets extérieurs et des opinions qui se rapportent à ces objets, mais simplement une présence à la sensation, une ouverture, une disponibilité à la sensation. Et cette ouverture, cette disponibilité est une exposition au mouvement de la vie, une identification « consciente » (mais non « réfléchie ») au mouvement de la vie, plus justement un abandon au mouvement de la vie, en-deçà de toute vie particulière, même si cela a lieu irréductiblement dans un espace « clos », celui de mon corps, de mon intériorité. Ici, le « moi » n’est pas un moi de carte d’identité, c’est en quelque sorte une puissance de moi, un moi en puissance, et en même temps l’acte d’un être ouvert, la plénitude d’un moi qui n’est plus limité à des « qualités », des « défauts », des compétences ou un savoir, à une identité définie. Cet espace est « clos », mais l’est-il vraiment ? L’expérience n’est-elle pas celle au contraire d’une ouverture, d’un espace, sans limites ? Il ne faudrait d’ailleurs pas dire l’expérience, car l’expérience est l’expérience d’une autre chose que moi ; ici, c’est l’expérience d’un englobement total de tout par moi, en moi, je découvre que je suis tout, que tout ce que je vis, tout ce que je sens, est en « moi », que je suis « sans un second », qu’il n’y a pas d’autre que moi. C’est « l’expérience » décon­cer­tan­te et émerveillée du « non-autre ». Ici, la notion d’un manque en moi est totalement dépourvue de sens. Je suis parfait, total, entier, dans une béatitude à la fois heureuse et paisible, fervente et « froide ». Aucun enthousiasme, juste une lumière. 

            Juste présence à la sensation. Et la sensation révèle. Elle révèle la vie du corps, que l’on peut ainsi « suivre », épouser, le temps, le mouvement d’une sensation. Mais aussi, cette présence à la sensation, à l’espace intérieur, ouvre à l’espace pur, à l’immensité stable, au vide absolu, à l’immuabilité absolue de l’être qui ne peut être nommé. Et par cette lumière que je suis, par la conscience, encore une fois non-réfléchie, que je suis, par ce je suis qui est absent, retiré, de tout « je-suis-quelque-chose-ou-quelqu’un », ce je suis que je suis, est l’être qui est là, immuable, hors du temps. Cela révèle combien le corps est la porte par laquelle on entre dans ce qui n’est plus le corps. Mais l’âme n’est pas non plus ce dans quoi l’on entre, si l’âme est ce fatras de pensées, c’est-à-dire de passé qui m’encombre plus qu’il ne me soutient. En entrant profondément, sans mots, dans mon corps, je quitte le monde des corps, le monde des objets séparés, pour entrer dans l’espace pur de la présence, pour entrer dans ce qui est sans être dans le temps, qui est pure présence, innommable et pourtant donnée, vécue, dans l’instant, et à laquelle, toujours, je — je veux dire mon moi « extérieur », le moi séparé que je suis encore sans doute dans mon mental —, pourrai revenir, retourner, prenant conscience que ce « je », mon état de séparation, ma conscience réfléchie, individualisée, est un éloignement, une aliénation, une extériorisation de cet état de présence pure et de paix. 

Olivier Sedeyn

Sur le « découragement »

Le découragement

            Il arrive, pendant une séance de yoga, ou après, que l’on soit découragé. A quoi ça sert de faire travailler son corps ? Je suis trop vieux. Je suis trop raide. Je suis trop coincé. Je n’y arrive pas. Je n’y arriverai pas. Je n’y arriverai jamais. 

            Je vous propose quelques réflexions à ce sujet. 

            D’abord, se rappeler que le but du yoga n’est pas de parvenir à un état idéal, ou à tout état que l’on pourrait se représenter. Il s’agit d’être attentif à son corps, à ses limites actuelles, et d’utiliser les postures pour explorer son propre corps et, ainsi, en y portant une attention constante, de se recueillir, de se concentrer. C’est donc un travail à la fois physique et mental. 

            Ensuite, se rappeler que, justement parce qu’il ne s’agit pas d’atteindre je-ne-sais-quelle performance, lorsque je rencontre des difficultés dans une posture, je ne dois ni forcer, ni abandonner. Je dois au contraire redoubler d’attention. Je ne dois pas forcer, mais revenir, dans la posture, au seuil de la douleur, et surtout, toujours, observer, examiner ce que je ressens, et aussi les émotions qui me viennent, les pensées qui me viennent. Rester concentré. Face à toute chose, l’habitude consiste à réagird’une certaine manière, la nouvelle attitude, l’attitude intelligente, consiste à observerimpartialement ce qui se passe en moi ; il sera plus facile ensuite de répondreadéquatement à la situation. Facile à dire, je sais. Mais ça n’empêche pas de faire de son mieux. Et chaque petit pas nous fait avancer, alors que le discours intérieur qui nous dit « arrête ! » ne nous fera certainement pas avancer. 

Il ne faut donc pas forcer. Jamais forcer. Toujours être calme et observer avec bienveillance. 

Et je ne dois pas non plus abandonner la posture. Vous savez peut-être déjà que si vous faites une posture mentalement, c’est-à-dire si vous vous représentez mentalement vous-même en train de faire la posture, vous exercez votre corps lui-même. Oui, le seul fait de vous représenter précisément, le plus précisément possible, votre corps dans une position sollicite votre cerveau, vos nerfs et vos muscles. Cela fait travailler votre corps. Et bien sûr, cela fait également travailler votre mental. 

            Et puis, sachez que rien n’est perdu, aucun effort n’est jamais perdu. Et lorsque nous savons que nous avons fait notre possible, « de notre mieux », notre être s’en trouve profondément apaisé. Nous avons fait ce que nous pouvons — si nous l’avons vraiment fait !

            Le découragement est donc un piège de notre mental trompeur, qui travaille constamment à nous diviser intérieurement. Et puis, voyons donc, quel est le contraire du découragement ? Le « couragement », l’encourage­ment, le devenir courageux. Et le contraire du courage, c’est la lâcheté. 

            Si vous vous découragez — et cela nous arrive à tous, ou nous en avons tous connu la tentation et nous y avons tous succombé un jour ou l’autre —, vous devenez lâches. Soyez courageux.

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