Leo Strauss: préface à la 7e édition de Droit naturel et histoire (inédit)
Il va presque sans dire que si je devais écrire à nouveau ce livre, je l’écrirais autrement. De nombreuses voix issues de différents points de vue m’ont assuré que tel qu’il est, ce livre a été et continue d’être utile.
Depuis le temps où j’ai écrit le livre, j’ai, je crois, approfondi ma compréhension du thème « droit naturel et histoire ». Cela vaut en premier lieu pour « le droit naturel moderne ». Mon opinion s’est trouvée confirmée par la lecture et l’étude de la Scienza Nuova Seconda, qui est consacrée à un réexamen du droit naturel et que ceux qui considèrent « la conscience historique » comme allant de soi n’envisagent ni ne comprennent convenablement. Dans la mesure où je n’ai rien écrit sur Vico, je ne puis que renvoyer le lecteur intéressé à ce que j’ai écrit entre-temps sur Hobbes et Locke dans mes articles « Sur le fondement de la philosophie politique de Hobbes » et « Locke et la doctrine de la loi naturelle ». Ces deux articles ont été republiés dans Qu’est-ce que la philosophie politique ? (The Free Press of Glencoe, 1959, traduction française par Olivier Sedeyn Qu’est-ce que la philosophie politique ?, PuF, 1992). Je renvoie en particulier à ce que j’ai écrit sur le nerf de l’argumentation de Hobbes (pp. 170-71, note 2).
Dans les dix dernières années, je me suis concentré sur l’étude du droit naturel classique et en particulier sur « Socrate ». J’ai traité de ce sujet dans différents livres publiés depuis 1964 et dans un autre, intitulé Le Socrate de Xénophon, qui est presque prêt pour la publication.
Rien de ce que j’ai appris n’a ébranlé ma tendance à préférer le droit naturel, spécialement sous sa forme classique, au relativisme régnant, qu’il soit positiviste ou historiciste. Pour éviter un malentendu courant, je dois ajouter que l’invocation d’une loi plus haute, si l’on entend cette loi comme liée à « notre » tradition en tant que distincte de la « nature », est historiciste en fait, sinon en intention. Le cas est manifestement tout autre si l’on invoque la loi divine ; pourtant, la loi divine n’est pas la loi naturelle, encore moins le droit naturel.
Saint John’s College, Annapolis, Septembre 1970.